Engagement de la Ville d’Andenne à intégrer la dimension d’égalité hommes-femmes dans ses politiques
C’est ce soir le dernier conseil communal avant la « Journée internationale de la femme » du 8 mars prochain. Je trouvais important de profiter de cette occasion pour demander à la Ville d’Andenne de s’engager à intégrer la dimension d’égalité hommes-femmes dans ses politiques.
Plusieurs associations ont demandé à des élus masculins de porter et de défendre cette demande, entre autres, dans les assemblées locales.
Cette politique d’égalité peut – peut-être, pour certains – paraître compliquée mais cela ne l’est pas.
Tout d’abord, je voudrais rappeler que nous devons la journée du 8 mars, « Journée internationale de la femme », à une journaliste allemande, Clara Zetkin, qui, au début du XXème siècle, a multiplié les initiatives dans le but d’appeler les femmes à s’impliquer dans les mouvements de travailleurs et en politique.
Un siècle plus tard, si l’égalité en droit entre les hommes et les femmes semble acquise, force est de constater que l’égalité de fait n’est toujours pas atteinte dans tous les secteurs.
Quelques indicateurs pour s’en convaincre : ainsi, partout dans le monde, la pauvreté continue à avoir un visage plutôt féminin. Même ici, chez nous, les pauvres sont d’abord des femmes et des enfants. Je ne vais pas vous accabler de chiffres mais certaines statistiques parlent d’elles- mêmes. Quelques exemples (selon l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes IEFH, « Femmes et hommes en Belgique ») :
- en Belgique, plus d’un tiers des femmes dépendent des revenus des personnes avec lesquelles elles vivent, pour 10% seulement chez les hommes ;
- la différence est encore plus marquée chez les retraités : 60% des femmes pensionnées vivent avec moins de 1000 euros par mois (proportionnellement, cela représente le double des hommes pensionnés dans la même situation) ;
- 57% des bénéficiaires d’une allocation d’intégration sociale sont des femmes. En général, les femmes de moins de 20 ans et celles de plus de 65 ans qui vivent seules, ainsi que les femmes à la tête d’une famille monoparentale, font davantage appel au revenu d’intégration sociale.
Et à Andenne, pouvons-nous connaître la proportion d’hommes et de femmes bénéficiaires du revenu d’intégration et quelques autres statistiques intéressantes en la matière ?
Car mesurer c’est savoir. Des statistiques qui distinguent les hommes et les femmes permettent d’avoir des politiques plus adaptées, plus justes. C’est généralement la première étape de toute intégration de la dimension de genre dans les politiques. Ce que les spécialistes appellent le gender mainstreaming[1] est apparu, pour la première fois, dans les travaux de la troisième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes (Nairobi, 1985) et se retrouve depuis dans différentes législations internationales et européennes ainsi que dans notre loi fédérale de 2007. Le gender mainstreaming vérifie l’impact potentiellement différent pour les femmes et les hommes de toute mesure politique dans les différentes phases de la prise de décision. C’est une stratégie transversale qui touche tous les domaines de la vie publique et qui vise à mettre en œuvre des politiques qui n’accentuent pas les inégalités entre les genres, voire qui les corrigent.
Il s’agit aussi d’une question de bonne gouvernance. Il est intéressant de savoir qu’à l’échelle internationale, on observe une corrélation entre les performances économiques d’un pays et son niveau d’égalité entre les hommes et les femmes. En Europe, presque tous les États dont le PIB est supérieur à celui de la Belgique (Islande, Norvège, Suède, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Suisse, …) ont de meilleurs résultats en matière d’égalité hommes-femmes.
Mon interpellation porte, dès lors, sur le rôle novateur que pourrait jouer la Ville d’Andenne en s’engageant sur la voie du gender mainstreaming. J’invite le Collège à jouer les communes pilotes en mettant en œuvre un plan communal de gender mainstreaming qui serait débattu en Conseil communal, et de gender budgeting[2], ainsi qu’en déployant les moyens les plus appropriés pour parvenir à cet ambitieux objectif.
Je propose également au Collège de réaliser un tableau de bord chiffré de la réalité andennaise (bénéficiaires du chômage, du revenu d’intégration, nombre d’indépendant(e)s, …) qui permettrait d’établir une hiérarchisation des actions à mener. Le travail réalisé au niveau national « Femmes et Hommes en Belgique » pourrait servir d’inspiration.
Ma proposition invite finalement le Collège à définir les moyens de parvenir à cet objectif : que faut-il pour réaliser ce plan de gender mainstreaming ? Créer un groupe de travail spécifique, un Conseil consultatif de l’Egalité hommes-femmes (sur le modèle du Conseil consultatif des aînés) comme à Charleroi, ou une Commission Femmes et Ville comme il en existe une à Liège, ou une plateforme des associations telle qu’à Namur ? Il existe, me semble-t-il, différentes possibilités que l’on pourrait étudier : le tout est de ne pas « encommissionner » le projet mais de parvenir à des résultats concrets déjà au cours de cette législature.
Cela serait tout à l’honneur d’Andenne de jouer les villes pilotes.
Interpellation déposée par Étienne Sermon au Conseil communal du 29 février 2016
[1] Pour rappel, dérivé du mot mainstream (courant principal, en bon français), le terme mainstreaming signifie intégration. Utilisé dans un contexte de gestion des affaires publiques, le terme de gender mainstreaming désigne un processus d’intégration de la notion de genre dans l’ensemble des politiques menées. C’est donc une stratégie transversale qui s’applique à tous les domaines (emploi, affaires sociales, santé, mobilité, …). Le fait de vérifier l’impact potentiellement différent pour les femmes et les hommes de toute mesure politique envisagée doit en effet devenir un automatisme dans les différentes phases du cycle politique. C’est une stratégie préventive puisque son objectif est d’éviter que les pouvoirs publics ne mettent en place des politiques qui créent ou accentuent des inégalités entre hommes et femmes.
[2] Le gender budgeting s’interroge, quant à lui, plus concrètement, sur :
- la prise en compte des réalités socio-économiques des femmes et des hommes dans l’attribution des ressources et des moyens financiers ;
- l’impact (potentiel) des sommes investies dans des politiques publiques sur la situation socio-économique des femmes et des hommes (réduction ou renforcement des inégalités entre les sexes).