L’inventaire du patrimoine monumental : un outil urbanistique au bénéfice du cadre de vie


Philippe MattartEn son article 1er, le Code wallon de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, du Patrimoine et de l’énergie (CWATUPE) lie l’aménagement du territoire à des besoins sociaux, économiques, environnementaux et patrimoniaux. Les interdictions citées à l’article 84 du code traduisent d’ailleurs le pendant coercitif de cet objectif d’équilibre entre toutes les fonctions du territoire, dont le patrimoine, lequel  revêt une dimension à la fois historique, culturelle, mais aussi urbanistique.

Cette réalité est bien présente à Andenne, dans le centre-ville comme dans les villages. En ce qui concerne le centre, et tout particulièrement le centre historique, je ne vous apprendrai pas qu’Andenne s’est développée autour d’un chapitre qui a largement contribué à modeler son cœur de ville.  La collégiale Sainte-Begge est d’ailleurs reprise sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie.

 

Le centre historique garde donc une certaine spécificité, montrant par exemple des façades en moellons calcaires jadis chaulées.  Les villages environnants, quant à eux, présentent une belle série de châteaux, fermes-châteaux et anciennes exploitations agricoles, avec de surcroît un patrimoine religieux très intéressant. Outre la collégiale, plusieurs églises – certaines d’époque Romane – donnent le ton à leur environnement rural ou urbain.

Les inventaires réalisés par l’ancienne Direction générale de l’aménagement du territoire, logement et patrimoine (DGATLP) ne s’y sont pas trompés et intègrent généralement ces monuments, parfois en leur reconnaissant une importance plus particulière, amenée à se couler, logiquement du moins, en mesures de protection ou en classement. Au sens de l’article 192 du CWATUPE, l’inventaire est, en effet, une mesure de protection, même si, contrairement à la liste de sauvegarde, elle n’est pas explicitement assortie d’obligations.

Concrètement, l’inventaire publié en 1975[1] dans le Patrimoine monumental de la Belgique signale un peu plus de 200 monuments sur le territoire d’Andenne.  Sur ces 201 monuments, 8 étaient classés en 1975 et 24 signalés comme dignes d’une mesure de protection.  Si je suis bien informé, celle-ci s’est finalement transformée en classement pour 12 d’entre eux.  Trois autres monuments figurant dans l’inventaire de 1975 ont encore bénéficié d’un classement portant actuellement à 34 le nombre de monuments classés de l’entité.

L’Institut du Patrimoine wallon s’est prêté à cet état des lieux d’une très grande qualité, au cours de cet été, pour quelques communes wallonnes, permettant ainsi d’évaluer la continuité entre l’inventaire, les mesures de protection plus contraignantes et, in fine, le classement. L’intérêt de cet état des lieux est aussi, bien évidemment, de se rendre compte de l’état des monuments, 35 ans plus tard. Reconnaissons que certains se sont – au mieux – quelque peu dégradés ou ont été transformés par leurs propriétaires d’une manière pas toujours heureuse eu-égard à leur intérêt patrimonial.  D’autres ont tout simplement disparu ou sont laissés à l’abandon en attendant leur démolition prochaine.  C’est, semble-t-il, le cas pour une petite vingtaine de monuments sur le territoire d’Andenne.

Bref, il est clair que les recommandations de cet inventaire n’ont pas été appliquées à la lettre. Ce constat n’est pas pour autant un plaidoyer en faveur du classement. Les mesures de classement doivent être prises avec discernement, de manière à éviter qu’elles deviennent  des pénalités pour les propriétaires privés qui ne sont pas forcément demandeurs de subsides à la restauration et souhaitent par contre une procédure d’urbanisme ordinaire ou plus légère. Tout simplement parce que le classement est assorti de la lourde procédure des certificats de patrimoine.

N’oublions pas non plus que les mesures de classement entraînent des effets de droit qui ont un coût très important pour la Région. Alors, je le répète, le classement à du sens, mais il faut l’utiliser à bon escient.

Par contre, l’inventaire, à lui seul, peut déjà être un outil de pilotage de la valorisation du centre-ville et des villages. Sans qu’il soit question de pénaliser les propriétaires de biens non classés qui ont un intérêt patrimonial, il est important de pouvoir cadrer les permis d’urbanisme en fonction de telles spécificités, de manière à éviter qu’au gré des travaux de restauration ou de transformation, des bâtiments anciens se dénaturent irrémédiablement au fil du temps et altèrent progressivement l’âme de leur environnement. Je pense que nous sommes tous d’accord, à cet égard, pour reconnaître l’attractivité que peut susciter un environnement respectueux de son patrimoine : attractivité à l’égard des habitants mais aussi des investisseurs.

Ma question est donc la suivante. L’inventaire du patrimoine monumental tel qu’il est visé à l’article 192 du CWATUPE est-il utilisé par les services communaux pour cadrer les permis d’urbanisme portant sur les biens qui ont un intérêt patrimonial ? Le cas échéant, de quelle manière ? A défaut, que pensez-vous d’un tel cadrage et comment l’implémenteriez-vous dans les procédures d’octroi des permis d’urbanisme ?

Je vous remercie


[1] Une actualisation de cet inventaire serait en cours à la DGO4 pour Andenne

(Interpellation déposée par Philippe Mattart, au conseil communal du 18 décembre 2009)